Cent ans d'archéologie allemande

Publié le 20 November 2007 par Agence France-Presse (AFP)

Si le buste de Nefertiti est une icône mondiale, et une pomme de discorde entre Berlin et Le Caire, d'innombrables autres grandes découvertes ont jalonné cent ans d'archéologie allemande en Egypte.

Buste de Néfertiti

Buste de Néfertiti, vers 1340 avant J.-C., exposé au musée de Berlin

"Cent ans d'excellente coopération"

a lancé le patron des antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, qui tempêtait encore à l'été contre un refus sec de l'Altes Museum de Berlin de prêter le buste de Nefertiti.

Colloques, exposition exceptionnelle et grands sourires marquent depuis lundi le centenaire du prestigieux Institut allemand d'archéologie du Caire (DAIK) fondé en 1907 par Ludwig Borchardt.

Autour du buste, symbole de beauté féminine, de l'épouse du plus intriguant pharaon, Akhenaton, l'heure est à l'apaisement avec l'annonce d'un examen sur sa solidité, préalable à son éventuel transport et prêt à l'Egypte en 2010.

Borchardt le découvrit en 1913 à Amarna, capitale du règne d'Akhenaton, il y à 3.400 ans. Transférée à Berlin de manière controversée, la statue, oeuvre du sculpteur Thoutmosé, ne fut exposée que dix ans plus tard.

Le dictateur Adolf Hitler s'éprit de Nefertiti et revint sur la promesse du dignitaire nazi Hermann Goering de la restituer à l'Egypte. Ludwig Borchardt mourra en 1938 à Zurich, rejeté par les nazis parce que juif, et lèguera son ultime fondation au Caire au gouvernement suisse.

Au 19e, le Prussien Carl Richard Lepsius avait ouvert la voie, dans le sillage de l'expédition française d'Egypte de Bonaparte. Son buste figure parmi ceux d'autres pionniers dans le parc du grand musée du Caire.

"Français et Britanniques nous avaient devancés, et pendant longtemps les Européens étaient ici comme des Indiana Jones: l'époque est révolue et nos méthodes ont radicalement changé"

dit Daniel Polz, directeur associé du DAIK.

Les Egyptiens ont édicté des règles strictes, encadrant étroitement les activités des instituts étrangers.

"Avant de fouiller, la priorité aujourd'hui, c'est de restaurer et restaurer encore"

martèle Zahi Hawass.

Mais des découvertes importantes, sinon aussi spectaculaires que le buste absent de Nefertiti, sont révélées dans une exposition autour du centenaire du DAIK, dans une salle du grand Musée du Caire, en centre-ville.

S'il fallait retenir le travail le plus remarquable :

"Cela serait nos fouilles depuis 40 ans sur l'île Eléphantine, près d'Assouan, qui livrent l'image d'une ville sur 4.000 ans, ce qui est unique"

dit le professeur Polz.

Ainsi ont été retrouvés sur ce site nubien des sceaux de 2.375 ans avant JC. Plus anciens, et venant d'Abydos, où furent enterrés les premiers rois, sont exposés des ivoires de 3.200 avant JC gravés de signes d'avant les hiéroglyphes.

Pour la directrice du Musée du Caire, Wafa Seddik :

"Ces signes ont changé l'histoire car ils prouvent que nous sommes la première civilisation, la première nation à savoir écrire, et pas la Mésopotamie."

Une tête d'homme, comme un oeuf percé d'orifices, a été retrouvée dans un site néolithique du Delta du 5e millénaire avant notre ère : une des toutes premières sculptures humaines du continent africain.

D'autres objets, comme des vases funéraires ou des masques pharaoniques ou encore des flasques votives chrétiennes du site d'Abou Mina, témoignent du très large champ de recherche du DAIK.

"Comparés à d'autres, comme les Français, pourtant nation jacobine, tout est regroupé sous le toit du DAIK, et cette centralisation nous donne beaucoup d'efficacité"

dit le patron de l'archéologie en Allemagne, Herman Parzinger.

Il serait difficile, selon lui, de ne pas garder une structure nationale aux instituts archéologiques

"mais il faut travailler en équipes multinationales dans l'esprit d'un héritage culturel mondial, contre tout nationalisme".