La démocratie à l'égyptienne

Publié le 18 October 2007 par Benjamin Wiacek

L'Egypte, ou plutôt la République Arabe d'Egypte est dirigée par Hosni Mubarak depuis 1981. Depuis son accession au pouvoir, sa réélection à quatre reprises avec des scores dépassant les 95% suscite de nombreuses interrogations, mais ce ne sont pas les seuls reproches faits à cette république arabe, sa politique intérieure est elle aussi sujette à caution.

Begin, Carter et el-Sadate au fond, 1978, Camp David

Begin, Carter et el-Sadate au fond, 1978, Camp David

Suite à l'assassinat du président Sadate en 1981 par des islamistes, qui lui reprochaient d'avoir signé les accords de paix de Camp David avec Israël, Mubarak décréta l'état d'urgence afin de renforcer les mesures de sécurité, et d'avoir la possibilité de déployer plus de moyens dans ce domaine, en restreignant certaines libertés. Ce décret est toujours en vigueur depuis cette date ! Et de ce fait, un certain nombre de libertés individuelles ne sont plus respectées, la police peut se montrer un peu plus "musclée" et procéder plus facilement à des arrestations massives. L'armée est elle aussi omniprésente en Egypte. Il faut dire par ailleurs que les policiers ressemblent à des soldats. Entre la police touristique sur les sites le plus visités, les nombreuses patrouilles en ville et dans les lieux public comme les gares et les innombrables convois, l'armée et la police font partie du paysage ! Cette impression est aussi renforcée les très nombreuses représentations du président Mubarak, entouré de militaires, sur des fresques ou mosaïques "historiques". Les scènes de bataille de l'ancienne Egypte deviennent sous l'effet d'un très fort sentiment nationaliste, des guerres du XXe Siècle. Toutes les victoires sont magnifiées, des monuments commémoratifs ont été érigés et des musées leur sont dédiés. Bref, on sent que l'Egypte est très attachée à son passé, antique comme récent.

Hosni Moubarak

Hosni Moubarak, le 8 décembre 2003

L'Etat intervient dans de nombreux domaines, la presse est contrôlée, dirigée parfois, ainsi certains des plus grands groupes de presse lui appartiennent, les films dérangeants sont purement et simplement interdits, il contrôle plusieurs grandes entreprises.

La concentration de ces pouvoirs dans les mains du président Mubarak le fait parfois percevoir comme un dictateur. Certes, le pays n'est pas une dictature militaire violente ni très répressive, mais la "démocratie" est, dans les faits, peu présente.

En effet, le choix du président se fait par référendum, sur le nom d'un seul candidat préalablement désigné par l'assemblée au sein d'un parti unique ! Lors des dernières élections, en 2005, la Constitution fut modifiée pour permettre à plus d'un parti de présenter un candidat : cette réforme fut mise en avant comme une preuve de l'évolution du pays et des efforts du gouvernement. Cependant, pour accéder au vote, le candidat devait obtenir un certain nombre de signatures de députés, nombre supérieur à celui des députés de l'opposition...

l'autre question politique qui fait débat aujourd'hui, a trait à l'avenir politique de l'Egypte. Mubarak est âgé, et il y a de fortes chances pour que cela soit son dernier mandat, et qu'un nouveau président soit élu en 2011. On parle beaucoup de son propre fils, qu'il préparerait à sa succession en lui donnant de plus en plus d'importance au sein du PND (Parti National Démocrate, le parti au pouvoir). Bien évidemment, cette solution ne fait pas l'unanimité, surtout dans une "démocratie" où une succession père-fils ferait quelque peu désordre.

Cependant, pour l'Opinion publique, Mubarak est celui qui arrive à concilier à la fois politique d'occidentalisation, contrôle des partis islamiques et neutralité dans le conflit israélo-palestinien, ce qui lui vaut d'être souvent convié aux négociations. Les Egyptiens trouvent cela rassurant, ils savent aussi que, dans l'éventualité de la succession du président par son fils, les choses ne changeraient pas énormément, ils assisteraient à la continuité de la présidence actuelle.

Un nouveau venu représenterait donc plutôt un risque, celui de l'arrivée au pouvoir des islamistes - ce que peu souhaitent - ou d'un incompétent qui ne recueillerait pas le soutien de la population. Maintenant, si le nouveau président était meilleur, ils seraient pour, "mais on ne sait pas avant !" me dit Mohammed, un ami d'Alexandrie.

On retrouve en politique finalement ce fatalisme oriental qui fait que les gens acceptent les choses, leur destin, et avancent vers l'avenir confiants, ou tout du moins, pas spécialement inquiets... Et tout ira bien, inch'Allah !! Ainsi va la démocratie à l'égyptienne.